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Patrimoines, Histoire des collections et Histoire de la discipline

La construction des identités nationales doit énormément à l'archéologie. La collecte et la mise à jour des témoins d'un passé qui s'ancre matériellement dans un territoire participèrent largement à la cohésion des communautés humaines, à la légitimation du pouvoir, mais aussi parfois à la domination (à tout le moins culturelle) de certains États. Les patrimoines archéologiques représentent donc des enjeux importants pour les populations qui s'en réclament à un titre ou à un autre. Comment ont-ils été appréhendés ou utilisés à travers les siècles? Quelles questions posent-ils sur notre monde, au passé, aux autres? Quelle est in fine la part de la science et du politique dans leur interpétation ? Quels sont aussi les différentes destructions auxquelles ils sont confrontés ? Les recherches sur le patrimoine traitent de l’ensemble de ces questions (D. Viviers).  

Le programme de recherches consacré à l’histoire des collections s’intéresse plus particulièrement aux antiquités rassemblées au XIXe siècle par un ensemble d’amateurs européens, plus particulièrement belges et britanniques (Lord Elgin – D. Williams). Ce siècle constitue une période charnière puisqu’il est celui de la science archéologique, avec la publication de nombreux catalogues de musées et la création de chaires universitaires consacrées à cette discipline. C’est à cette époque également que l’on voit apparaître la majorité des musées publics qui abritent souvent d’importantes sections consacrées à l’Antiquité, désormais intégrées dans la notion, nouvellement acquise, de patrimoine national qui se développe avec les États-Nations.  La culture classique s’ouvre à un plus grand nombre, devient un enjeu pédagogique et éducatif, et sera même détournée par certains vers un usage de propagande. 
Ce thème de recherche a été initié au CReA-Patrimoine en 2002 dans le cadre d’un projet de collaboration entre l’ULB (Athéna Tsingarida) et l’Université d’Oxford (Donna Kurtz), financé par la Fondation Ph. Wiener – M. Anspach (2002-2005). Depuis ses débuts, il cherche à restituer certaines grandes collections aujourd’hui disparues et à comprendre les motivations qui ont poussé leurs propriétaires à acquérir ces antiques. Au-delà, ce sont les visions, les usages et les détournements multiples de l’Antiquité que l’on tente de comprendre mais aussi les rapports tissés entre amateurs et scientifiques, entre collectionneurs et artistes, collectionneurs, marchands et antiquaires. À travers l’étude de certaines collections, c’est la réception de l’Antiquité classique qui est abordée pour le rôle qu’elle a joué dans la formation du goût européen, le développement des arts décoratifs et la construction de certaines grandes collections nationales appartenant à des musées belges ou européens.  Un intérêt particulier s’est déjà porté sur certaines collections présentes en Belgique (G.P. Campana [S. Sarti], A. van Branteghem [A. Tsingarida], R. de Meester de Ravestein et L. Somzée [C. Evers]) mais aussi sur la re-découverte des arts archaïques et leur influence sur les avant-gardes européennes à la fin du XIXe siècle (A. Tsingarida). 

Plus récemment, l’intérêt s’est également porté sur les biographies d’objets, notamment à travers les recherches portées par C. Mazet. Son projet PoTS. Pottery Translocation Stories from Southern Etruria to worldwide museums: the biography of dislocated archaeological artifacts, financé par une bourse post-doctorale Marie-Curie Slodowska-Curie/COFund CIVIS [2023–2025] vise à élaborer une nouvelle méthodologie transdisciplinaire pour l'analyse d'artefacts archéologiques décontextualisés depuis longtemps, en se concentrant sur les découvertes de poteries disloquées de l'Étrurie méridionale. Dans l'étude de la culture matérielle classique, en particulier en ce qui concerne les preuves mises au jour au cours des XVIIIe et XIXe siècles, la plupart des données sur lesquelles les archéologues s'appuient sont largement dispersées sur le marché de l'art ou dans les collections des musées. Cela vaut en particulier pour les objets provenant des fouilles effectuées en Toscane et dans le Latium, deux régions qui ont connu l'essor et la chute des plus grandes villes de l'Étrurie méridionale, de la période villanovienne au processus de romanisation (IXe-IIIe s. av. n. ère). Pour résoudre ce problème et compléter notre connaissance des assemblages matériels originaux, ce projet a cherché à étudier les nombreuses vies des céramiques grecques et étrusques de l'Antiquité à nos jours, en rétablissant leur profondeur chronologique, dans un dialogue constant avec les découvertes plus récentes. Il offre également une occasion unique d'aborder les questions actuelles liées au phénomène des translocations (les déplacements territoriaux de biens culturels) et leur relation avec les identités locales et la notion de patrimoine culturel, en plaçant le débat sur un fond historique solide. La méthodologie est basée sur l'interaction entre l'analyse minutieuse des objets dans les musées, la recherche de la provenance à travers la documentation d'archives pour reconstruire le contexte d'origine et permettre un retour pratique à l'archéologie.  

Publications (sélection)

  • C. Mazet, « Scavi di Canino : les premières campagnes des fouilles Bonaparte dans le Catalogo generale des archives Faina de Pérouse (1828-1833) », MEFRA 135.1 (2023), 19-42.
  • C. Mazet, Les Bonapartes à Vulci. Les fouilles des nécropoles orientales, des contextes à la dispersion antiquaire, Bruxelles [Études d’archéologie/CReA-Patrimoine 25] en préparation.
  • S. Sarti, The Campana Collection at the Royal Museum of Art and History (Brussels), Bruxelles, 2012 [Etudes d’archéologie 4] – CReA-Patrimoine. 
  • A. Tsingarida, « Drawing as an Instrument of Connoisseurship. J.D. Beazley and His Late Nineteenth-Century Forerunners”, in C. Meyer, A. Petsalis-Diomidis, Drawing the Greek Vase, Oxford, 2024, 185-213. 
  • D. Viviers, Usages et enjeux des patrimoines archéologiques. Entre science et politique. Bruxelles, 2018 [Académie royale de Belgique. Collection l’Académie en Poche]