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Les industries lithiques du Néolithique dans le Nord-Ouest de l'Europe

Le Néolithique, essentiellement le passage d’une économie de prédation à une économie de production, représente un jalon fondamental dans l’histoire de l’humanité. Le rapport de l’homme à son environnement est profondément et durablement bouleversé tandis que l’organisation sociale des premières sociétés d’agro-pasteurs est en constante mutation. Sur le territoire de l’actuelle Belgique, la Néolithisation débute à la fin du VIe millénaire avant notre ère (environ 5250 avant notre ère) en Hesbaye, où les premières implantations de la culture rubanée sont particulièrement bien documentées. Trois cents ans plus tard, une chute démographique drastique semble impacter les communautés agraires de la région. Cette instabilité laisse alors place à de nouvelles occupations de la culture Blicquy/Villeneuve-Saint-Germain (env. 4950-4750/4650 avant notre ère). En l’état actuel des données, seuls deux îlots d’occupation sont documentés en Moyenne Belgique : un à l’Est, en Hesbaye et dans la vallée de la Petite-Gette, et un autre à environ 120 km vers l’Ouest, dans la région des sources de la Dendre en Hainaut. Un vide archéologique caractérise la période suivante : les indices d’occupation sont particulièrement ténus ; aucun site structuré n’a été fouillé jusqu’à présent. Ce n’est qu’à compter de 4200 avant notre ère que le mode de vie néolithique voit une forte expansion territoriale à l’ensemble de la Moyenne Belgique, associée à la culture Michelsberg (4200-3600 avant notre ère). Le redéploiement de ces communautés néolithiques dans nos régions s’inscrit dans le cadre d’une expansion du mode de vie Néolithique vers le nord de l’Europe (Îles britanniques & Scandinavie) et l’émergence d’une économie qui met désormais l’accent sur l’acquisition et le contrôle des géoressources (cuivre, or, sel, pierres semi-précieuses, roches diverses, ...), et leur transformation par des spécialistes. La Moyenne Belgique, caractérisée par la présence des seuls affleurements de silex dans nos régions et des sols les plus propices à l’agriculture, apparaît ainsi comme la colonne vertébrale des occupations agropastorales entre Rhin et Escaut. L’économie lithique s’y structure dès lors (et jusqu’à la fin du Néolithique) autour de trois complexes miniers, implantés dans le Bassin de Mons, la Hesbaye occidentale et le Limbourg méridional. Il s’agit de réseaux de sites au sein desquels opèrent des tailleurs au savoir-faire spécifique, voire exclusif, et dont les productions les plus emblématiques, la hache en silex (un nouvel outil) et la grande lame (une spécificité régionale) circulent à plus de 100 km aux alentours et contribuent activement à l’intensification de l’occupation territoriale (Collin 2019). 

Le Néolithique de Moyenne Belgique

En 2024, l’ULB a initié un programme de recherche piloté par Jean-Philippe Collin (CReA-Patrimoine, UMR 8215) et consacré au Néolithique de Moyenne Belgique, en collaboration avec Solène Denis (CNRS, UMR 8068) et Bart Vanmontfort (KUL). Au vu du faible nombre de données issues de fouilles archéologiques au regard des indices issus de prospections, le principal objectif du projet est de préciser les modalités d’occupation et de permettre une meilleure compréhension des dynamiques culturelles néolithiques. Dans sa première phase, ce projet visera notamment à déterminer si la quasi absence de données archéologiques connues entre le Bassin de Mons et la Hesbaye occidentale – région correspondant peu ou prou au plateau brabançon – au cours des premières phases de néolithisation de la Moyenne Belgique (5200-4750/4650 avant notre ère) reflète un fait historique ou résulte de l’état de la recherche. 

Mines de silex, grandes lames et contact à travers l’Europe

L'Europe, du milieu du Ve millénaire au milieu du IVe millénaire avant notre ère, connaît un développement sans précédent des minières à silex. La multiplication de ces sites répond à une croissance démographique et au besoin accru d’outils spécifiques, tels que la grande hache polie en silex.  

A cette époque semblent apparaître de plus en plus d'indices d'une complexification des sociétés néolithiques : sépultures monumentales et mobilier funéraire prestigieux, nouvelles techniques agricoles, apparition de la métallurgie, organisations territoriales différentes, ... Ces éléments illustrent la complexification sociales des sociétés au sein desquels des individus s’illustrent via leur capacités à accumuler des biens d’exception (naissance des « chefs ») ou par leurs compétences techniques hors-normes (émergence d’un artisanat très spécialisé). 

En Moyenne Belgique, le développement des grandes minières de silex à la fin du 5e millénaire résulte par exemple de l’activité de communautés ayant acquis des compétences exclusives tant en matière d’exploitation des sous-sols (creusement de puits et galeries jusqu’à 16 m de profondeur), que dans la taille d’outils en silex exceptionnels : grandes haches et grandes lames de silex.

Après avoir démontré l’émergence d’un complexe minier structuré à la fin du 5e millénaire dans le Bassin de Mons, impliquant notamment la centralisation de la production laminaire sur le site de Spiennes, Jean-Philippe Collin (CReA-Patrimoine, UMR 8215) étend ses recherches à la Hesbaye occidentale. Il travaille à mettre en exergue des transferts techniques entre les sites de Spiennes, Orp et Rijckholt au cours de la période associée à la Culture Michelsberg (4200-3600 BCE). Un objectif à plus long terme de cette recherche est notamment de préciser la nature de ces transferts techniques (tailleurs itinérants ?) et leur possible interaction avec d’autres sites européens, notamment du Bassin parisien, de Pologne et d’Ukraine. 

Caractérisation des silicites

La multiplication des avancées en matière de caractérisation des silicites (silex, silcrètes, radiolarites, …) depuis la fin des années 2000 via la pétrologie et la géochimie ont ouvert de nouvelles perspectives de recherches archéologiques en termes de mobilité, de territorialité et d’études socio-économiques. Aujourd’hui, l’ULB dispose du référentiel de silicites entre le Haut Escaut et le Rhin inférieur le plus complet du pays. Assemblé initialement par Jean-Philippe Collin, cette lithothèque bénéficie également du soutien logistique du GDR SILEX (dir. : Vincent Delvigne, CRNS). Particulièrement bien documentée pour le Bassin de Mons, les travaux en cours visent à acquérir des données supplémentaires pour les principales autres régions riches en dépôts du Crétacé : la Hesbaye et le Limbourg.  

Mis à jour le 4 septembre 2024