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L’archéologie régionale est également nourrie par un projet de recherches spécifique aux matériaux de construction. Ainsi, la brique fait l’objet d’une attention soutenue depuis quelques années. En effet, si le bois mis en œuvre dans les fermes de charpentes, et surtout la pierre, ont acquis leurs lettres de noblesse dans la production scientifique belge en général, les terres cuites architecturales – et d’autres matériaux comme la terre crue, le fer et la chaux – restent finalement, à des degrés divers, les parents pauvres de la recherche en histoire de la construction durant l’Ancien Régime. Pourtant, la brique constitue pour la ville de Bruxelles, et de manière plus générale pour l’ensemble du duché de Brabant, l’un des matériaux principaux mis en œuvre dans la production architecturale. En région bruxelloise, son histoire est riche et diversifiée, et remonte vraisemblablement au tournant des XIIIe et XIVe siècles.
Le programme de recherche a été lancé par le CReA-Patrimoine en 2009 en collaboration avec la Direction du Patrimoine Culturel (ancienne Direction des Monuments et Sites) du Service public régional Bruxelles Urbanisme et Patrimoine et a été intégré à la politique archéologique régionale depuis 2015. Cette étude de longue haleine a déjà permis la réalisation d’un inventaire de ce matériau, la construction d’une typochronologie et la constitution d’un catalogue de ces différentes mises en œuvre tant en maçonneries que pour différents types d’équipement. Une première étude archéométrique de ces terres cuites architecturales a été réalisée en collaboration avec le Service géologique de Belgique.
Au travers de critères morphologiques (format, couleur, matrice), cette approche a permis de définir les matériaux produits localement de ceux importés. Huit à neuf types de briques ont déjà pu être mis en évidence. Trois ou quatre proviennent, avec une relative certitude, de briqueteries bruxelloises alors que cinq autres résultent d’un commerce avec d’autres villes brabançonnes, voire des Pays-Bas. Concernant ces briques d’importation, elles apparaissent – pour l’instant – caractéristiques de la période de reconstruction du centre-ville qui suivit le bombardement de 1695. Cette opération de relèvement nécessita un apport colossal en matériaux de construction que la ville ne pouvait pas, à elle seule, fournir puisque ce ne sont pas moins de 4.000 à 4.500 édifices qui ont été touchés par les bombes françaises. Concernant les briques produites localement, si les recherches menées jusqu’en 2013 avaient établi l’existence de deux types de briques différentes l’une caractéristique des XIVe, XVe et XVIe siècles, l’autre de la période couvrant les XVIIe et XVIIIe siècles, les études archéologiques récentes ont mis en évidence l’usage de deux autres types de briques, se différenciant des premières par leur format. Elles pourraient être spécifiquement datées du XIVe siècle. Si cette hypothèse se confirme, elle permettrait d’affirmer qu’au XIVe siècle, mais probablement plus à partir du XVe siècle, les briqueteries bruxelloises produisaient des briques au format distinct, ce que tendent à confirmer les premières ordonnances bruxelloises sur la production de ce matériau et les études gantoises sur la production de briques.
Les qualités intrinsèques de la brique en font un matériau polyvalent. On soulignera la grande variété des mises en œuvre, notamment dans les appareillages. Pour Bruxelles, ce sont principalement cinq types d’appareils qui ont été utilisés par les maçons. L’appareillage croisé reste le plus commun ; il est observé depuis le XIVe jusqu’au XVIIIe siècle et est d’ailleurs toujours en usage. L’appareil flamand apparaît entre le XIVe et le XVIe siècle, mais disparaîtra les siècles suivants. L’appareillage sur boutisse est mis en œuvre pour l’exécution des voûtes, mais également celle des puits, alors que l’appareil sur panneresse est destiné aux cloisons ou à certains éléments de maçonneries spécifiques. Ils sont tous les deux couramment utilisés durant tout l’Ancien Régime. Récemment, les études archéologiques ont mis en évidence que pour les phases médiévales, et peut-être encore au XVIe siècle, certaines maçonneries étaient dressées en appareillage chaîné ou « norvégien », sans doute en association avec un appareillage flamand.
Outre une connaissance accrue de la fabrication de la brique, de sa diffusion, de la variété de ces mises en œuvre et des enjeux socio-économiques liés à la vente et l’usage de ce matériau, la mise en évidence d’une typochronologie de ces briques fournit un marqueur chronologique précieux lors des études archéologiques et patrimoniales. En effet, l’historiographie traditionnelle considère Bruxelles comme une ville à l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles. Le bombardement de 1695 est dans ce cas considéré comme une tabula rasa de l’architecture médiévale et du XVIe siècle. Or, l’archéologie nuance fortement ce propos et démontre, depuis ces dernières années, la préservation d’importants vestiges dans les quartiers bombardés remontant aux XIVe, XVe et XVIe siècles, incorporés dans les nouvelles constructions. Il s’agit le plus souvent de caves, mais aussi de murs gouttereaux et de façades postérieures. Les fouilles de la rue de la Tête d’Or 1 et celles de la rue des Dominicains 16-28 sont éclairantes à ce sujet. Dans le premier exemple, c'est une façade agrémentée de baies gothiques et un réseau de caves du XIVe siècle qui ont été mis au jour à deux pas de la Grand-Place. Rue des Dominicains, le projet de rénovation d’un ensemble de six maisons de rangée a permis d’approcher au plus près une série d’habitations transformées ou reconstruites au XVIIe siècle, mais conservant encore des témoignages importants remontant aux XVe et XVIe siècles. Il s’agit de caves, de murs gouttereaux et de façades antérieures.
Enfin, la construction de ces typochronologies sur la brique et la mise en évidence de l’évolution des mises en œuvre, notamment les appareillages, permettent d’affiner certaines datations proposées lors d’études archéologiques antérieures à la mise en place de ces recherches, soit en réétudiant le matériel récolté sur chantier et conservé au dépôt régional, soit en réexaminant les clichés photographiques et les relevés « brique à brique » ou « pierre à pierre » réalisés lors de ces opérations archéologiques.
Contact
Philippe SOSNOWSKA, Membres du corps académique
Quelques références bibliographiques
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SOSNOWSKA P., soumis et accepté, Remploi et transformation des matériaux dans le secteur de la construction brabançonne : données et problèmes méthodologiques issus de l’exemple bruxellois (XIIIe-XIXe siècle), dans Aedificare. Revue internationale d’histoire de la construction.
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SOSNOWSKA P., GOEMAERE E., 2016, « The reconstruction of Brussels after the bombardment of 1695. Analysis of the mechanisms of recovery of the city through a historical and archaeological study of the use of brick », dans Construction History Journal, International Journal of the Construction History Society, vol. 31, no.2, pp.59-80.
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SOSNOWSKA P., 2016, C’est au pied du mur qu’on voit le maçon… Savoir-faire et mise en œuvre des maçonneries à Bruxelles du XVe au XVIIIe siècle au travers d’une approche des formats de briques, des épaisseurs de murs et de l’appareillage », dans FLEURY F., BARIDON L., MASTRORILLI A., MOUTERDE R., REVEYRON N. (dir.), Les temps de la construction - Processus, acteurs, matériaux, actes du Deuxième Congrès francophone d’Histoire de la Construction, Paris : Picard, pp. 803-814.
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SOSNOWSKA P., 2014, « La brique en Brabant aux XIIIe-XVe siècles. État de la recherche et comparaison avec le Hainaut de Michel de Waha », in CHANTINNE F., CHARRUADAS P., SOSNOWSKA P. (éds), Trulla et cartæ. Culture matérielle, patrimoine et sources écrites. Liber discipulorum et amicorum in honorem Michel de Waha, Bruxelles, Le Livre Timperman, pp. 387-432.
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SOSNOWSKA P., 2014, « Approach on brick and its use in Brussels from the 14th to the 18th century », dans RATILAINEN T., BERNOTAS R., HERRMANN C., Fresh Approaches to the Brick Production and Use in the Middle Ages, Proceedings of the session (and more) “Utilization of Brick in the medieval period – Production, Construction, Destruction”, Held in the European Association of Archaeologists (EAA) Meeting 29.8.–1.9.2012 in Helsinki, Finland, British Archaeologiocal Report, International series, pp. 27-36.