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Étude des céramiques du Proche-Orient romain à abbasside
Introduction
Ce programme de recherche sur les céramiques du Proche-Orient romain à abbasside s’est développé selon trois axes : l’étude de la production et de la diffusion de la Brittle Ware en Syrie de l’époque romaine à abbasside, les réseaux d’échange et l’évolution du mobilier céramique entre la fin de l’Antiquité et le début de l’Islam en Syrie du Nord et l’étude de la culture matérielle de la frontière occidentale entre Byzance et le monde musulman. Chacun de ces axes de recherches est mené en combinant analyses typologiques, remise en contexte archéologique et analyses archéométriques.
1. Production et diffusion de la Brittle Ware en Syrie
La céramique culinaire de la Syrie antique est habituellement désignée sous le nom de Brittle Ware.
Diffusée sur un vaste territoire depuis l’époque romaine, cette catégorie de matériel n’avait pas encore fait l’objet d’une étude de synthèse. L’examen d’un large corpus céramique (Apamée, Andarin, Qal‘at Sem‘an, Alep, Hadir, Qasr al-Hayr al-Sharqi, Dibsi Faraj, Antioche, Tarse et Hisn al-Tinat) a été le fruit d’une approche croisée intégrant archéométrie et analyse typologique classique. Il a ainsi été démontré qu’un examen microscopique rigoureux de l’ensemble du matériel permettait d’obtenir des résultats concordant avec les analyses chimiques. Un certain nombre d’ateliers producteurs de Brittle Ware ont pu être identifiés à partir de l’étude du matériel sur les sites de consommation. Outre l’établissement d’une typo-chronologie de référence, l’étude a révélé l’existence, jusqu’à la fin de l’Antiquité, d’un véritable monopole sans autre production concurrentielle dans l’ensemble de la Syrie antique ; monopole détenu par trois ateliers principaux (Ateliers 1, 3 et 4) qui partageaient un savoir-faire technique commun et approvisionnaient plusieurs sites. Ceci permet de postuler pour l’existence d’ateliers péri-urbains, probablement spécialisés, situés dans la région d’Antioche (Atelier 1), de l’Euphrate (Atelier 3) et d’Apamée (Atelier 4). La large diffusion de la Brittle Ware en Syrie du Nord a probablement bénéficié des circuits d’approvisionnement des garnisons militaires sur l’Euphrate à l’époque romaine. Elle couvrira une zone encore plus large après la conquête arabo-muslmane (cf plus bas, Tarse).
2. Évolution du mobilier céramique et réseaux d’échange entre la fin de l’Antiquité et le début de l’Islam en Syrie occidentale
Ce projet s’est focalisé sur plusieurs catégories céramiques : les amphores, l’African Red Slip Ware (ARS) et la céramique commune en pâte calcaire issues des sites d’Antioche et d’Apamée, anciennes capitales de Syrie Première et de Syrie Seconde à partie du 5e siècle. L’étude du matériel d’Antioche portait sur l’analyse d’une sélection de mobilier de la fouille franco-américaine précédant la Seconde Guerre mondiale dans le cadre d’un projet pilote mené à l’Université de Princeton (coordinateur A. Eger, University of North Carolina, Greensboro), celle du matériel d’Apamée reprenait une sélection de matériel des fouilles récentes de la Mission archéologique belge à Apamée de Syrie.
L’examen des amphores importées et de l’ARS a démontré qu’Apamée, malgré sa localisation à l’intérieur des terres, se caractérisait par un faciès d’importations aussi diversifié que celui d’une ville côtière comme Beyrouth. Un corpus similaire a pu être observé à Antioche, malgré la plus faible représentativité du matériel, issu de fouilles anciennes. En élargissant l’étude à l’examen des publications de Syrie intérieure et orientale, il apparaît que seul un certain nombre de formes-phares (ARS Hayes 67, 91, 99, 104, 105, 107 et 109, LRA 1, LRA 3, amphores palestiniennes et de Sinope) atteignaient ces régions durant l’Antiquité tardive. Ce phénomène correspond aux observations faites sur la distribution de la Brittle Ware dont le répertoire se simplifie au fur et à mesure que l’on s’éloigne du lieu d’origine des ateliers. L’étude de la céramique commune a pour sa part démontré que les systèmes de production et d’échanges sont essentiellement circonscrits à l’échelle régionale malgré l’existence d’une communauté de formes partagées sur l’ensemble de la Syrie du Nord .
Un deuxième volet de la recherche portait plus précisément sur l’étude du mobilier de la période de transition entre la fin de l’Antiquité et le début de l’Islam à Apamée. L’analyse céramologique a permis de confirmer, à l’instar d’autres études menées sur l’architecture et l’évolution de la culture matérielle à cette époque charnière, que le 7e siècle demeure encore fortement ancré dans la tradition byzantine. Les dernières importations d’African Red Slip Ware, les formes Hayes 107 et 109 et la LRD Hayes 9 atteignaient encore la Syrie au moment de la conquête islamique. Parallèlement, les recherches menées à Apamée et à Antioche ont aussi mis en évidence sur ces deux sites, l’existence de deux productions de céramiques fines locales imitant les dernières formes d’ARS et de LRD, témoignant du développement de stratégies de production locales visant à palier le déclin des importations de sigillées fines.
3. Culture matérielle et échanges à la frontière byzantino-abbasside
Ce projet porte sur l’étude de la culture matérielle et des échanges à la frontière entre Byzance et l’Islam et plus précisément sur le site de Tarse, ville de garnison localisée dans la plaine cilicienne en Turquie (fouille dirigée par A. Özyar, Bogaziçi University). La fouille d'un quartier résidentiel abbasside établi sur le tell de l’Âge du Bronze a livré de riches assemblages céramiques des 9e – 10e siècles, issus principalement de fosses entourant les structures d’habitat (fouilles de Tarse). Ce corpus, qui se rattache principalement à l’Horizon de Samarra, se caractérise également par une présence importante de Polychrome Painted Glazed Ware, de la famille des Yellow Glazes. Cette catégorie se distingue des autres productions connues en Syrie du Nord par la richesse et la diversité de son répertoire décoratif, faisant pencher pour une origine locale, hypothèse qui doit encore se vérifier par des analyses géo-chimiques. Par ailleurs, l’étude de la céramique culinaire a livré des résultats intéressants concernant la circulation des produits et l’évolution des sphères culturelles entre la fin de l’Antiquité et le début de l’Islam. En effet, il apparaît qu’à l’époque romaine la céramique culinaire témoigne d’un fort ancrage dans les traditions locales ciliciennes. Elle n’est par exemple pas comparable à la Brittle Ware bien connue dans l’ensemble de la Syrie du Nord. En revanche, les productions de l’époque abbasside sont tout à fait identiques à celles de la Syrie (Fig. 3). Les fouilles ont également mis au jour un certain nombre de céramiques culinaires imitant des formes de vaisselle en pierre également utilisée pour la cuisson (Fig. 3). L’apparition au début de l’époque islamique d’une production en pierre et les phénomènes d’imitation qu’elle génère est révélateur d’une évolution des circuits commerciaux et de connections nouvelles avec la péninsule arabique.
Par ailleurs, hormis la présence d’une amphore vinaire originaire de la Mer Noire, on notera à Tarse l’absence de mobilier byzantin. L’ensemble du mobilier céramique appartient à la koinè abbasside. Le mobilier importé d’Irak (lustrewares, white opaque wares) témoigne d’échanges entre le cœur du califat et la périphérie frontalière. Les résultats préliminaires des études de pâte de la Brittle Ware révèlent la présence de l’Atelier 1 (région d’Antioche) mais aussi de groupes d’origine cilicienne, indiquant pour leur part la mise en place d’ateliers régionaux imitant les formes caractéristiques de la Syrie.
Fig 1 : Brittle Ware, Apamée (6e-9e siècles)
Fig. 2 : Yellow Glazes abbasides de Tarse
Fig. 3 : Céramique culinaire abbaside de Tarse : Brittle Ware et imitation de vaisselle en pierre
Publications
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A. Özyar, E. Ünlü, O. Pancaroglu et A. Vokaer, Recent Fieldwork at Tarsus-Gözlükule: the Medieval Levels, dans S. R. Steadman et G. McMahon (eds), The Archaeology of Anatolia Volume II: Recent Discoveries (2015-2016), Cambridge Scholars Publishing, Cambridge, 2017, p. 197-226.
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A. Vokaer, A 3rd to 4th century AD pottery assemblage from Apamea and some further considerations on pottery production and distribution in Roman Syria, dans B. Fischer-Genz, Y. Gerber et H. Hamel (eds.), Roman Pottery in the Near-East : local Production and regional Trade. Proceedings of the round table held in Berlin, 19-20 February 2010 (Archaeopress Series/ Roman and Late Antique Mediterranean Pottery 3), Oxford, 2014, p. 37-51.
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A. Vokaer, Continuity and changes in ceramic production and exchange in Syria during the Byzantine and Early Islamic periods (5th – 8th c. A.D.), dans A. Kralidis et A. Gkoutzioukostas (eds), Proceedings of the International Symposium Byzantium and the Arab World: Encounter of Civilizations (Thessaloniki, 16-18 December 2011), Thessalonique, 2013, p. 517-544.
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A. Vokaer, La Brittle Ware en Syrie. Production et diffusion d’une céramique culinaire de l’époque hellénistique à l’époque omeyyade (Fouilles d’Apamée de Syrie, 2, Mémoires de la Classe des Lettres in 4°, tome III, Académie royale de Belgique), Bruxelles, 2011.
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A. Vokaer, Cooking in a perfect pot. Shapes, fabric and function of cooking ware in Late antique Syria, dans S. Menchelli, S. Santoro, M. Pasquinucci et G. Guiducci (eds), LRCW3. Late Roman Coarse Wares, Cooking Wares and Amphorae in the Mediterranean. Archaeology and Archaeometry. Comparison between western and eastern Mediterranean (BAR International Series 2185, 1), Archaeopress, Oxford, 2010, p. 115-129.
- G. Schneider, A. Vokaer, K. Bartl et M. Daszkiewicz, Some new results of archaeometric analysis of Brittle Wares, dans M. Bonifay et J.-C. Tréglia (eds.), LRCW2. Late Roman Coarse Wares, Cooking Wares and Amphorae in the Mediterranean. Archaeology and Archaeometry (BAR International Series 1662, 2), Archaeopress, Oxford, 2007, p. 715-730.
Contact
Agnès VOKAER, Professeure